Livre Deuxième
 



 
Désiré-François Le Filleul des Guerrots

né le 8 décembre 1778 à Heugleville-sur-Scie au château des Guerrots,
où il est mort le 3 juin 1857, est un poète et fabuliste français.

D'une noble et ancienne famille de Normandie, Le Filleul des Guerrots joignit, toute sa vie, un amour des lettres au culte des arts qui lui attira le nom de »Florian de Normandie« Reçu membre de l’Académie de Rouen en 1810, il en fut, pendant plus de trente ans, le poète officiel, y faisant lecture de fables,
de rapports, de critiques littéraires et de traductions d'Horace, son auteur classique de prédilection.
Il collaborait à la Revue de Rouen, qui contient, comme les comptes-rendus des Académies dont il était membre, un bon nombre de pièces de vers de sa composition.

Source:

FABLES/par/Désiré-François Le Filleul des Guerrots/Membre de plusieurs Académies
Rouen 1843


Livre Premier
 
L'Iris et Flore
La Fermière et la Volaille
Le Papillon et la Rose
Les deux Chiens
L'Éureuil
La Cloche et le Clocher
La Bouteille de Grégoire
Le Frelon dans la Lanterne
Le Passant et l'Ane
Le Mérite et l'Éloge
Le Gland
Le Renard, le Corbeau et le Chien
L'Enfant et le Hibou
Le Paysan et le Nid
L'Ane et le Chardonneret
L'Aigle et la Feuille
Le Loup et le Renard

 
La Vieille, le Chat et les Souris
Zéphire et l'Amour
Le Chêne et les Epis
Le Papillon et l'Enfant
Les deux Poissons
La Lanterne sourde
L'Argus bleu et le Papillon à tête de mort
Le Ver luisant

 

Fable I.
L' Iris et Flore

L'lris disait un jour à Flore:
— Pourquoi me faites — vous éclore
En des lieux où la rose étale ses appas?
Vous le voyez, chacun l'admire,
Elle est reine de cet empire,
Et je dois bien m'attendre, hélas!
A blesser les goûts délicats.
— Calme toi, lui répond la riante déesse;
La rose enchanteresse,
La rose sur les fleurs mérite de régner.
Eh bien! dois-tu t'en chagriner?
N'est-il plus de beaux rangs après le rang suprême?
Reviens de ton erreur extrême;
Va, tu n'es pas à dédaigner,
Et tu plairas encor près de la rose même.

A la reine des fleurs j'ai voulu comparer
La muse du bon LA FONTAINE.
Heureux si j'obtiens pour la mienne
L'accueil qu'à cette Iris Flore fait espérer!

Fable II.
La Fermière et la Volaille

L'alouette au chant matinal
Des rustiques travaux redonnait le signal,
Et dans leur étroite demeure,
Un coq et son cortège ailé
Après la ménagère attendaient sous la clé.
— Que devient donc Thérèse? a-t-elle oublié l'heure?
Jamais de ses lenteurs nous n'avons tant souffert,
Dit bientôt un chapon peu patient, pour cause;
Chez ces gens-là souvent l'appétit est ouvert,
Que l'aurore n'est pas éclose.
La rosée avait fui devant l'astre au front d'or,
Et pour nos prisonniers, point de Thérèse encor.
De ce peuple affamé figurez-vous la rage:
— Morbleu! disait le coq, hérissant son plumage,
Qu'elle vienne à présent, qu'elle approche du seuil!
Soudain je lui saute au visage
Et je lui crève au moins un oeil.
Un poulet furieux tenait pareil langage:
— Et moi, pour la faire enrager
S'écriait un dindon, je ne veux plus manger,
Je veux mourir de faim. Sur ce, paraît Thérèse,
La corbeille à la main: ceci change la thèse.
Coq, poules, chapons, tous, avec des cris joyeux,
Se précipitent sur ses traces,
Et loin d'en vouloir à ses yeux,
Viennent en caquetant briguer ses bonnes grâces.
J'ai vu maint affamé de richesses, d'honneurs,
Maudire, en un revers, ou bouder la fortune;
Mais reparaissait-elle apportant des faveurs?
Je n'en vis jamais un qui lui gardait rancune.

Fable III.
Le Papillon et la Rose

Novembre s'écoulait, sous un ciel tempéré,
Et signalait sa fin par de beaux jours encore.
Un papillon décoloré,
Une rose pâle, inodore,
A tous les papillons, comme à toutes les fleurs,
S'énorgueillissaient de survivre,
Et du jour qui naissait confians spectateurs,
Se flattaient que pour eux bien d'autres allaient suivre.
Hélas! dès le soir l'aquilon
(Comme la vie échappe et tient à peu de chose!)
D'un souffle fit périr le dernier papillon
Sur le sein effeuillé de la dernière rose.

Fable IV.
Les deux Chiens

Brilaut dit à Médor: — Toi qu'au logis on aime,
Qui caresses le maître, amuses les enfans,
Et jusqu'aux valets de céans
Sais tout charmer par ta douceur extrême,
Tu conviendras que par momens
Tu diffères bien de toi-même.
Paraît-il un chien étranger,
Loin de lui faire politesse,
De le gratifier d'un mot, d'une caresse,
Tu lui montres les dents et le fais déloger.
Doit-on traiter ainsi les gens de son espèce,
Et d'humeur à ce point, dis-moi , peux-tu changer?
— Ami, dit Médor, en ce monde
Où les bons sont toujours vexés par les méchans,
Pour jouir d'une paix profonde,
Il faut savoir parfois épouvanter les gens.
Va, ce que je fais est dans l'ordre:
Envers tout étranger défiance est vertu;
Je montre les dents, non pour mordre.
Mais pour ne pas être mordu.

Fable V.
L'Écureuil

Un gentil écureuil, innocent animal.
Comme, il allait un jour, parmi les dons de Flore,
Buvant les larmes de l'aurore,
Fut pris et transporté, loin de son bois natal,
Chez certain procureur. Un procureur pour maître,
Pour précepteur son clerc, son chat pour commensal!
En plus mauvaise école il ne pouvait paraître:
Entouré de fripons, il essaya de l'être.
Un jour, pour débuter, le drôle à son patron
Veut escamoter un marron
Qu'une écorce épineuse enveloppait encore.
Il le couve des yeux, des yeux il le dévore;
Mais à peine il y touche, un maudit aiguillon
Ensanglante, désole et punit le larron.
— Funeste fruit! dit-il, serais-tu donc semblable
Au remords qui déchire et poursuit le coupable?
Cette réflexion lit plus en un clin-d'œil
Que n'aurait jamais fait la plus verte semonce;
Aux exemples du chat aussitôt il renonce,
Et garde pour son bien les moeurs de l'écureuil.

Fable VI.
La Cloche et le Clocher

Deux rustres d'un clocher admiraient le pourtour,
Lorsque sonna la cloche en ses flancs suspendue.
Ils l'avaient crue énorme et digne de la tour;
A peine de cent pas était-elle entendue.

Dans les postes brillans où l'œil de tous les suit,
Oh! que de grands seigneurs font aussi peu de bruit!
Fruit de la nullité que chacun leur reproche!
Par le clocher jamais ne jugeons de la cloche.

Fable VII.
La Bouteille de Grégoire

— Bouteille, maudite bouteille
Toi que ma femme abhorre à l'égal du poison,
Source de nos chagrins, fléau de ma maison,
Va, je ne boirai plus de ta liqueur vermeille.....
Et toi, viens à mon aide, officieux bouchon,
Entre profondément, tiens-moi lieu de raison,
Puisque sur elle en vain Grégoire se repose.
Il dit, et de son mieux rebouchant le flacon,
A moitié plein encore à ses pieds le dépose.
Après ce généreux effort,
De lui-même content le brave homme s'endort.
Mais bientôt la soif le réveille,
Et par un vieil instinct conduit,
Il prend, quitte, reprend, lâche un peu, ressaisit
Le flacon enchanteur du doux jus de la treille.
Le liège a beau tenir, un tour de main suffit,
Et le tire-bouchon décoiffe la bouteille.

Pour vaincre un dangereux penchant,
L'homme promet en vain de faire des miracles:
Il ne lui présente d'obstacles
Que ceux qu'il croit pouvoir écarter aisément.

Fable VIII.
Le Frelon dans la Lanterne

Dans une lanterne allumée
Entra, comme on l'ouvrait, un frelon, vrai badaud.
Il venait observer. — Peste qu'il y fait chaud!
Se dit-il; et d'une aile à demi consumée,
Il veut s'envoler aussitôt.....
La lanterne était refermée.

Fable IX.
Le Passant et l'Ane

Un jour de l'automne dernier,
Un chardon tout en fleur fut atteint par la foudre.
Survint un âne. — Encor si c'était ce pommier
Dont les fruits de mon maître abreuvent le gosier,
Je rirais de le voir ainsi réduit en poudre.
Mais un chardon, quel meurtre!...Un passant l'entendit:
— Malpeste! cria-t-îl à la bête de somme,
Comme un grain d'égoïsme aux gens ouvre l'esprit!
Vous êtes, mous Grison, moins âne qu'on ne dit,
Et vous raisonnez comme un homme.

Fable X.
Le Mérite et l'Éloge

Au Mérite voulant jadis
Se montrer plus facile,
L'Éloge courait le pays
Pour trouver son asile.
Long-temps du voyageur lassé
Vaine fut la poursuite:
On sait qu'il n'est pas fort aisé
De trouver le Mérite.

L'Éloge un jour d'un bois suivait
La route peu battue,
Quand un monstre qu'il reconnaît
Se présente à sa vue:
— Ah! se dit-il, n'en doutons point,
Notre course est finie:
Le Mérite n'est pas bien loin
Puisque voilà l'Envie.

L'Éloge avance quelques pas,
Aperçoit le Mérite,
Et jure, en lui tendant les bras,
De rester à sa suite.
Il eût gagné, sans contredit,
A lui rendre justice:
Mais quoi! bientôt il le trahit
Pour s'attacher au Vice.

Fable XI.
Le Gland

On dit bien vrai, l'amour-propre console
De maints revers: témoin ce gland qu'Éole
Du haut du chêne paternel,
Des arbres d'alentour le plus voisin du ciel,
Avait, en se jouant, fait tomber dans la fange.
— Jupiter me destine à régner sur ces bois,
Disait-il; de l'affront qu'aujourd'hui je reçois
Ce brillant avenir me venge.
Que de beaux calculs, toutefois,
Une mauvaise étoile en peu d'instans dérange!
Avant la fin du jour, le ventre d'un pourceau
Au monarque futur tenait lieu de tombeau.

Fable XII.
Le Renard, le Corbeau et le Chien

Un jeune renard, un matin,
Avait dans la forêt fait une grande lieue,
Sans avoir, hélas! d'un lapin
Entrevu seulement la queue.
Fatigué de sa course et loin de son terrier,
Il s'endormit à jeun au pied d'un coudrier.
Un corbeau qui rôdait en cette solitude,
Lui trouva d'un défunt la mine et l'attitude,
Et des griffes déjà s'escrimait sur sa peau,
Quand le dormeur s'éveille, et, d'une dent vorace
En un instant croque l'oiseau,
Bien qu'il fût vieux et coriace.
— Oui-dà! s'écria le renard,
J'aime fort le gibier qu'on prend sans le poursuivre,
Et mourrai dès demain pour trouver de quoi vivre.
Voyez-vous d'ici le pendard,
Dans l'espoir d'obtenir encor mieux que la veille,
Étudier son rôle et le rendre à merveille?
Il le rendit trop bien.... Tandis que sur le dos
Couché près d'un rustique enclos,
L'oreille au guet, l'œil fixe et le corps immobile,
Il attend, les pattes en l'air,
Qu'il s'offre un quadrupède ou bien un volatile,
Aussi rapide que l'éclair,
Un chien qui le guettait s'élance,
Et l'étrangle sans résistance.
Ce renard, comme on voit, n'avait pas tout appris,
Puisqu'il lui restait à comprendre
Que ceux qui cherchent à surprendre
Doivent songer encore à n'êtrepas surpris.

Fable XIII.
L'Enfant et le Hibou

Un jeune enfant prit un hibou,
Et le porta, devinez où:
Au grenier? Non: sous un berceau de roses,
Parmi les fleurs nouvellement écloses,
S'imaginant, le petit fou,
Qu'au solitaire oiseau ce lieu ferait envie,
Qu'il y voudrait passer sa vie
Et lui servirait de joujou.
Mais que peuvent les fleurs, le zéphir, la verdure,
Tous les charmes de la nature
Sur les sens grossiers d'un hibou?
La nuit vint, l'animal n'attendit pas l'aurore
Pour fuir loin des filles de Flore,
Et s'ensevelir dans son trou.

Fable XIV.
Le Paysan et le Nid

Pour avoir un nid de corneille,
Au faîte d'un grand arbre un rustre était grimpé.
Il venait un peu tard: les petits, dès la veille,
Tous ensemble avaient décampé.
Notre homme, mécontent, se hâta de descendre,
En jurant, si jamais il montait aussi haut,
De s'en aviser assez tôt
Pour trouver dans le nid l'oiseau qu'il voulait prendre.

Fable XV.
L'Ane et le Chardonneret

On m'a raconté qu'un matin,
A l'aspect d'une plante aux grisons toujours chère,
Un bourriquet, nommé Martin,
S'avisa de chanter, je veux dire de braire.
Le drôle, apparemment, avait bien déjeûné;
Il serait hors de vraisemblance
Qu'un âne à jeun se fût borné
A braire en pareille occurrence.
— Que je te plains d'être l'objet
Des chants d'un ridicule et stupide baudet!
Au chardon son voisin, dit alors la buglose:*
A plus d'un fâcheux quolibet
Le malheur de lui plaire expose.
— Un moment, repart le chardon,
Regarde: sur ma tige un chardonneret plane.
Cet élégant oiseau, cet aimable Amphion,
A son goût pour moi doit son nom,
Et je suis consolé d'être du goût d'un âne.

*
Buglose, ou langue de Bœuf, herbe médicinale.

Fable XVI.
L'Aigle et la Feuille

— Éclose sur la ronce, et d'ailes dépourvue,
Comment au haut des cieux êtes-vous parvenue?
Disait l'aigle à la feuille errante à son côté.
— Au gré d'un vent heureux: il soufflait, j'ai monté.

Fable XVII.
Le Loup et le Renard

Le loup, un beau matin, racontait au renard,
Comme un trait de bonté, de vertu, d'abstinence,
Qu'un jour près d'un agneau se trouvant à l'écart,
Il avait respecté sa fragile existence.
— Le fait, dit l'autre, a l'air un peu suspect,
Il a besoin de commentaire.
Ne précéda-t-il point, compère,
L'instant où la grue* au long bec,
De l'os qui t'étranglait parvint à te défaire?

*
Voyez la Fable de Phèdre: Lupus et Grus.

Fable XVIII.
La Vieille, le Chat et les Souris

Certaine vieille, on la nommait Ragonde,
Aimait à tel point les souris,
Que, pour les voir en foule envahir son logis,
Flairer, trotter, faire leur ronde,
Elle leur prodiguait noix, fromage, biscuits.
Son chat, de tous les chats du monde
Le plus narquois, le plus subtil,
Ne les aimait pas moins, trouvant ces demoiselles
Gentilles à croquer; aussi les croquait-il,
Dès qu'un heureux destin le conduisait près d'elles.
Cette façon d'aimer doit faire peu d'amis:
Il s'en faisait si peu, que, toutes, à la file,
De Ragonde un matin assiégèrent l'asile,
Pour demander l'exil du rominagrobis.
La vieille, du sournois n'ignorait pas les crimes;
Mais elle aimait le chat autant que les souris,
Et le bourreau, non moins que les victimes.
Bannir Minet! sa faiblesse, à ce prix,
D'un peuple dont les jeux pour elle avaient des charmes
Ne consentit jamais à calmer les alarmes.

Aux méchans être bon, est-ce un heureux penchant?
Souvent cela s'appelle aux bons être méchant.

Fable XIX.
Zéphire et l'Amour

— Fi de tes ailes de pigeon!
Disait au dieu d'amour le volage Zéphire.
Que n'as-tu, comme moi, celles du papillon!
Nul n'y trouverait à redire;
Elles iraient si bien au changeant Cupidon!
— A moi des ailes aussi frêles!
Y songez-vous? répond l'Amour.
Tant de coquettes éternelles,
Tant de galans sur le retour,
Pour m'empêcher de fuir me prennent par les ailes,
Qu'elles tiendraient à peine un jour.

Fable XX.
Le Chêne et les Epis

— Ennemi des moissons, toi dont le front superbe
Empêche le soleil d'arriver jusqu'à nous,
Quand pourrons-nous te voir, par les vents en courroux.
Battu de toutes parts et renversé sur l'herbe?
Ainsi parlaient, un beau matin,
Les plantes de Gérés à l'arbre de Jupin.
— Téméraires, s'écrie un frêne,
Vous appelez les vents dans leur antre assoupis!
Ah! plutôt rendez grâce au Dieu qui les enchaîne:
Si leur souffle abattait le chêne,
Sa chute abattrait les épis.

Fable XXI.
Le Papillon et l'Enfant

— Papillon, joli papillon,
Venez vite sur cette rose;
Pour vous, avec ce frais bouton,
Je l'ai cueillie, à peine éclose.
Ainsi chantait un jeune enfant,
Et le voilà qui se dispose
A saisir l'insecte brillant,
Pour peu que sur elle il se pose.
L'insecte était malin; il répond: — serviteur;
J'ai vu le piége, ami, je ne vois plus la fleur.

Fable XXII.
Les deux Poissons

Un pêcheur prit un brocheton
Qu'il jeta sur la rive, auprès d'un carpillon.
Le jour baissait; le brochet en profite
Pour essayer de s'enfuir au plus vite,
Frétillant, bondissant, glissant sur le gazon.
Il s'y prenait lemieux du monde,
Le petit drôle! encore un bond,
Il esquivait la poêle et s'élançait dans l'onde,
Quand, jaloux du bonheur de l'adroit brocheton,
En s'agitant, l'autre poisson
Crie au pêcheur: — Hé! le voisin s'évade.
Le fuyard fut repris, grâces au carpillon,
Qui, s'il n'était bon camarade,
Était du moins bon espion.

Fable XXIII.
La Lanterne sourde

Lanterne sourde en main, d'un pas ferme et rapide,
Un homme cheminait dans l'ombre de la nuit.
Un voyageur l'entend, le suit,
Espérant partager la clarté qui le guide.
Mais il ouvre les yeux en vain;
L'obscurité pour lui n'est pas moins forte.
La lanterne ne sert qu'à celui qui la porte,
Et n'éclaire que son chemin.
A de certains esprits qu'on juge à la légère,
Cette fable peut s'appliquer.
Tel nous étonnerait par sa judiciaire,
Qui n'a point l'art de s'expliquer;
Il possède bien la lumière,
Mais ne peut la communiquer.

Fable XXIV.
L'Argus bleu*
et
le Papillon à tête de mort**

Il est un papillon léger, des plus jolis,
Pour caresser les fleurs éveillé dès l'aurore,
Et déployant dans l'air les couleurs de l'iris;
Il est un papillon encore,
Triste, vêtu de deuil, à la chute du jour,
Vers la voûte des cieux s'élevant à son tour.
Quand l'un près des filles de Flore.
Voltige, émule du zéphir.
Sur ses ailes d'azur je lis qu'il faut jouir;
D'une tête de mort l'autre m'offrant l'image,
Me rappelle qu'il faut mourir.
Joyeux épicuriens, l'un a votre suffrage,
Mais l'autre est l'oracle du sage.

*
Joli papillon dont les ailes sont d'un beau bleu d'azur: on le
trouve dans les prés et dans les clairières des bois
.
**
Papillon du genre des sphinx: son corselet représente assez
bien la figure d'une tête de mort
.

Fable XXV.
Le Ver luisant

— Sitôt que je parais, la nuit fait place au jour,
Disait un ver luisant, en allumant sa lampe.
Qu'eût dit de plus Phébus, dans les cieux de retour?...
Il faudrait se montrer modeste alors qu'on rampe.