Livre II.
 

Livre II.

Prologue
A feu G. Bayeux*

La vérité toujours présente un front sévère:
      Aussi voit-on peu de mortels,
Dignes de la connaître, et sur-tout de lui plaire,
Apporter leur encens au pied de ses autels:
Que dis-je? hélas! on fuit l'éclat de sa lumière;
On n'ose contempler cette vierge des cieux,
Tant son auguste aspect importune nos yeux.
Toi, qui, près de Thémis devenu son organe,
Ne crains pas de lever ce voile officieux
Qui dérobe ses traits au vulgaire profane;
O toi, mon digne ami! respectable Bayeux,
Je vais à ce propos te conter une fable.
      Sous un air de simplicité,
La fable est elle-même un voile favorable
      Dont se couvre la vérité.
      Or apprends de quelle manière
Causaient deux animaux, aveugles tous les deux,
Et qui voulaient pourtant juger de la lumière.
Bien des gens tous les jours se conduisent comme eux.

*Avocat, mon ami de collège, alors premier commis au
contrôle des finances, et ensuite procureur-général-syndic
du département du Calvados
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