Livre IX.
 

Livre IX.

Prologue

A Madame Adine Joliveau
Auteur d'un recueil de fables nouvelles

Modeste Adine, ô toi qui reçus en partage
Les dons de la beauté, de l'esprit, et du cœur,
       Si l'on en croit plus d'un rhéteur,
L'apologue naquit au sein de l'esclavage;
       Mais c'est lui faire peu d'honneur:
De l'amour maternel il dut être l'ouvrage.
Eh! n'est-ce pas, dis-moi, ce sentiment si doux,
Le plus noble à-la-fois, le plus sacré de tous,
       Qui te fit inventer des fables?
Oui, ce fut en faveur de tes jolis enfants
Que l'on te vit créer tant de récits aimables
Pour orner leur esprit, diriger leurs penchants,
Et faire éclore en eux les vertus, les talents.
       Des Rossignols, formés à ton langage,
       Qu'avec plaisir on entend le ramage!
Quel intérêt touchant font naître tes Brebis,
       Et combien de leurs ennemis
       Tu nous fais détester la rage!
Je ris du sot orgueil de ton petit Ruisseau,
       Qui, se croyant déja rivière,
Dit qu'il a les honneurs du pont et du bateau.
       Ta muse flexible et légère
Veut-elle s'élever à des sujets plus grands;
Quelles sombres couleurs, et quelle touche fière,
Lorsque tu fais parler le Torrent et le Temps,
       Vraie image des conquérants!
Encor s'ils profitaient de l'avis salutaire;
Mais qui peut dans leur cours arrêter des torrents!
Ennemi comme toi de ces fléaux du monde,
       J'ai tâché de peindre, en mes vers,
Et leur courte durée, et l'horreur si profonde
       Qu'ils inspirent à l'univers.
       Je me plais à te faire hommage
       De cet apologue nouveau;
Du succès qui l'attend je ne veux d'autre gage
       Qu'un sourire de Joliveau.