Fable I.
Le Lion et les deux Taureaux
Un lion attaqua un jour deux taureaux; mais ceux-ci se
réunirent, et le frappant de leurs
cornes, ils l'empêchèrent de pénétrer entre eux deux; alors
il aborda l'un d'eux et le
trompa en lui promettant de ne plus rien entreprendre contre
lui, quand bien même il se
séparerait de son compagnon. Sur cette promesse les deux
taureaux s'étant séparés,
le lion les mit en pièces l'un après l'autre.
Cette Fable signifie
que lorsque les habitans de deux villes se réunissent à un
même avis, leurs ennemis font
contre elles de vains efforts; mais que, si la discorde les
divise, elles périssent toutes deux.
Fable II.
La Gazelle 1
Un jour une gazelle ayant soif, alla à une fontaine pour se
désaltérer. Voyant son image
dans l'eau, elle se mit à gémir sur la ténuité de ses jambes
et s'enorgueillit de la
grandeur et de la magnificence de ses cornes. Tout-à-coup
des chasseurs l'attaquèrent et
elle prit la fuite. Tant qu'elle fut dans la plaine, ils ne
purent l'atteindre; mais
lorsqu'entrée dans la forêt, elle passa à travers les
arbres, les chasseurs l'atteignirent et
la tuèrent. Malheureuse que je suis! dit-elle en expirant:
ce que j'ai méprisé pouvait me
sauver, et ce dont j'espérais mon salut m'a perdue.
Fable III.
La Gazelle 2
Une gazelle étant un jour tombée malade, ses amies
vinrent la visiter et lui tenir
compagnie. Elles mangèrent toutes les herbes et les plantes
qui étaient autour d'elle,
de sorte que, lorsqu'elle fut relevée de maladie, elle
chercha inutilement de quoi manger,
et ne trouvant rien, elle mourut de faim.
Cette Fable signifie
que celui qui multiplie ses liaisons et ses connaissances,
multiplie aussi ses chagrins.
Fable IV.
Le Lion et le Renard 1
Un jour un lion, accablé par la chaleur du soleil, entra
dans une caverne, pour s'y mettre
à l'ombre. A peine se fut-il couché par terre, qu'un mulot
vint courir sur son dos; le lion
se releva avec précipitation et regarda à droite et à
gauche, comme s'il eût été effrayé et
épouvanté. Un renard, qui le vit, se mit à rire. Je ne
crains pas ce mulot, lui dit le lion,
mais je suis indigné de ce qu'on me méprise.
Cette Fable signifie
que le mépris est, pour le sage, plus insupportable que la
mort.
Fable V.
Le Lion et le Taureau
Un lion voulait un jour dévorer un taureau; mais n'osant
l'attaquer à cause de sa force,
il s'approcha de lui et employant la ruse, il lui dit: Sache
que j'ai égorgé un agneau fort
gras; je desire que tu viennes en manger chez moi cette
nuit. Le taureau y consentit et
alla au rendez-vous; mais ayant aperçu beaucoup de bois et
une grande marmite, il prit
la fuite. Le lion le voyant s'éloigner lui dit: Pourquoi
donc, après être venu jusqu'ici,
t'en vas-tu? C'est, répondit le taureau, que je sais que
tout cet appareil est pour quelque
chose de plus grand qu'un agneau.
Cette Fable signifie
que l'homme ne doit pas se fier à son ennemi, ni se
familiariser avec lui.
Fable VI.
Le Lion et le Renard 2
Un lion étant devenu vieux et faible, ne pouvait plus
attaquer aucun animal. Il résolut
d'employer la ruse pour se procurer de la nourriture; et
feignant d'être malade, il se jeta
dans une caverne. Toutes les fois qu'un animal vint le
visiter, il fut mis en pièces et
dévoré dans l'intérieur de la caverne. Le renard y vint à
son tour, et, s'arrêtant à la porte
de la caverne, il salua le lion. Comment te portes-tu, lui
dit-il, ô roi des animaux!
Pourquoi, répondit le lion, n'entres-tu pas, maître Renard?
J'entrerais, répondit le renard,
si je ne voyais que les animaux qui sont venus chez vous, y
sont tous entrés, mais
qu'aucun n'en est ressorti.
Cette Fable signifie
que l'homme ne doit entreprendre aucune affaire avant de
l'avoir bien examinée.
Fable VII.
L'Homme et te Lion
Un homme et un lion, voyageant un jour ensemble,
commencèrent à disputer sur leurs
forces et leur courage. Le lion se vantait de sa vigueur
indomptable, lorsque l'homme se
mit à rire, en apercevant sur un mur là figure d'un homme
étranglant un lion. Le lion lui
dit: Si les lions étaient peintres connue les hommes,
l'homme ne serait pas représenté
étranglant le lion, mais le lion, étranglant l'homme.
Cette Fable signifie
que ce n'est pas par le témoignage des siens que l'homme
peut se justifier.
Fable VIII.
La Gazelle et le Lion
Une gazelle, effrayée un jour par des chasseurs, se réfugia
dans une caverne; mais un
lion entrant après elle la dévora. Malheureuse que je suis!
dit-elle en elle-même:
j'ai voulu fuir les hommes, et je suis tombée entre les
mains d'un ennemi bien plus
redoutable.
Cette fable s'adresse
à celui qui fuit un léger péril et tombé' dans un plus grand
malheur.
Fable IX.
La Gazelle et le Renard
Une gazelle ayant un jour soif, descendit dans une citerne
et but à l'excès; mais
lorsqu'elle voulut remonter, elle ne put en venir à bout. Un
renard qui la vit, lui dit: O ma
soeur, tu as bien mal fait de ne pas songer comment tu
pourrais sortir de la citerne,
avant d'y descendre.
Cette Fable regarde
à quiconque agit de sa tête et sans prendre conseil.
Fable X.
Les Lièvres et les
Renards
La guerre s'étant élevée un jour entre les aigles et les
lièvres, ceux-ci allèrent trouver les
renards, pour leur demander secours contre les aigles. Nous
le ferions volontiers, leur
répondirent les renards, si nous ne vous connaissions pas,
et si nous ne savions aussi
contre qui vous êtes en guerre.
Cette Fable signifie
que
l'homme
ne doit pas attaquer celui qui est plus fort et plus
puissant que lui.
Fable XI.
Le Lièvre et la Lionne
Un lièvre rencontra un jour une lionne et lui dit: Je fais
tous les ans un grand nombre de
petits, mais toi, tu n'en fais dans toute ta vie qu'un ou
deux. Cela est vrai, répondit la
lionne, je n'en fais qu'un, mais il en vaut sept des tiens.
Cette Fable signifie
qu'un seul enfant qui est bon vaut mieux que plusieurs
enfans vicieux.
Fable XII.
La Femme et la Poule
Une femme avait une poule qui chaque jour pondait un oeuf
d'argent. Si j'augmente sa
nourriture, dit-elle en elle-même, elle pondra deux oeufs.
Elle l'augmenta donc; mais la
poule s'étant rompu le jabot, périt.
Cette Fable signifie
que beaucoup d'hommes, dans l'espérance d'augmenter leurs
gains, perdent le capital de
leur bien.
Fable XIII.
Le Moucheron et le
Taureau
Un moucheron s'arrêta un jour sur la corne d'un taureau; et
pensant qu'il était trop lourd
pour lui, il lui dit: Si je te suis à charge, fais-moi le
savoir, afin que je m'envole.
Le taureau lui répondit: Vraiment je ne t'ai pas aperçu au
moment que tu es descendu,
et je ne saurai pas non plus quand tu t'envoleras.
Cette Fable regarde
celui qui cherche à s'attirer de l'honneur et de la gloire,
tandisqu'il est faible et
méprisable.
Fable XIV.
L'Homme et la Mort
Un homme portait un jour un pesant fagot: fatigué du chemin
et accablé de son fardeau
il le jeta à terre, et appela la mort à son aide. Elle parut
aussitôt devant lui. Me voilà,
lui dit-elle; pourquoi m'as-tu appelée? L'homme lui
répondit: Je t'ai appelée pour que tu
recharges ce fagot sur mon épaule.
Cette Fable signifie
que tout le monde aime la vie, et qu'il n'y a que les
infirmités et les misères dont on se
dégoûte.
Fable XV.
Le Jardinier
Un jour qu'un jardinier arrosait ses légumes, on lui
demanda: Pourquoi les herbes
sauvages, qui croissent sans culture, ont-elles une si belle
apparence, tandisque celles,
qu'on cultive, se flétrissent et meurent si tôt? Le
jardinier répondit: C'est que les
sauvages sont nourries par une mère, tandisque les autres le
sont par une marâtre.
Cette Fable signifie
que l'éducation, qu'une mère donne à ses enfans, est
préférable à celle que donne une
marâtre.
Fable XVI.
L'Homme et l'Idole
Un homme avait dans sa maison une idole, qu'il adorait et à
laquelle chaque jour il
sacrifiait une victime. Il dépensait tout ce qu'il possédait
pour cette idole, qui lui dit un
jour: Ne dépense donc pas pour moi tes biens, tu pourrais un
jour m'accuser d'être
l'auteur de ta ruine.
Cette Fable regarde
celui qui, après avoir dissipé ses biens en dépenses folles
et criminelles, dit que c'est
Dieu qui l'a réduit à la pauvreté.
Fable XVII.
Le Nègre 1
Un homme vit un jour un nègre se laver dans l'eau: O mon
frère! lui dit-il. cesse donc de
salir ce fleuve, car certes tu ne pourras jamais te
blanchir.
Cette Fable signifie
que le caractère imprimé par la nature ne peut jamais
changer.
Fable XVIII.
L'Homme et la Jument
Un homme voyageait monté sur une jument pleine, qui mit bas
en chemin. Le poulain,
après avoir suivi d'abord sa mère de près, s'arrêta et dit à
son maître: Seigneur, vous
voyez que je suis petit, et que je ne puis marcher; si vous
partez et m'abandonnez ici,
je périrai certainement: mais si vous me prenez avec vous et
m'élevez jusqu'à ce que
je sois devenu fort, alors je vous porterai sur mon dos et
je vous conduirai rapidement
partout où vous voudrez.
Cette Fable signifie
qu'au lieu de prodiguer les bienfaits, il faut les placer
chez ceux qui les méritent et qui en
sont dignes.
Fable XIX.
L'Homme et le Porc
Un homme un jour portait sur une bête de somme un mouton,
une chèvre et un porc,
qu'il allait vendre à la ville; le mouton et la chèvre
restaient tranquilles, mais le porc était
rétif et se débattait continuellement sur le dos de la bête
de somme. O le plus méchant
des animaux! lui dit l'homme, pourquoi, tandisque le mouton
et la chèvre se taisent et ne
bougent pas, ne cesses-tu de te débattre? Chacun fait ce que
bon lui semble, répartit le
porc; je sais qu'on recherche le mouton pour sa laine, et la
chèvre pour son lait: mais
moi, malheureux, qui n'ai ni laine ni lait, aussitôt que je
serai arrivé à la ville,
on m'enverra tout de suite à la boucherie.
Cette Fable signifie
que ceux qui sont plongés dans les délits et les crimes que
leurs mains ont commis,
doivent connaître le sort funeste qui leur est reservé.
Fable XX.
La Tortue et le Lièvre
La tortue et le lièvre se défièrent un jour à la course et
marquèrent pour but une
montagne vers laquelle ils couraient. Le lièvre, se fiant à
sa légèreté et à l'agilité de sa
course, s'arrêta en chemin et s'endormit; mais la tortue,
connaissant la pesanteur de sa
nature, ne se reposa ni ne s'arrêta dans sa course, et elle
était déjà arrivée à la
montagne, lorsque le lièvre se réveilla de son sommeil.
Cette Fable signifie
que la patience et la persévérance valent mieux que la
vivacité et la légèreté.
Fable XXI.
Le Loup
Un loup un jour prit un petit cochon; mais comme il
remportait,'un lion survint et le lui
enleva. J'admire, dit le loup en lui-même, que la proie que
j'avais prise par force, n'ait pu
rester en ma possession.
Cette Fable signifie
qu'une chose acquise par la violence ne demeure pas à son
possesseur, et que si elle lui
demeure, elle ne lui profite pas.
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