zurück

Livre V.
 

Livre IV.
 
Le Cheval et le Tigre
La Carpe et le Corbeau
L'Union douanière
Le jeune Cheval et l'Ours
Le Roi de Pologne
Le Collier
Le Coq et la Dame
Le Ver luisant et la Rose
La Poule et l'Hirondelle
Les deux Sapajous
La Tortue et l'Écureuil
L'Aigle et le Poulet
Le Crabe, le Homard et l'Huître
Le Roitelet et le Rossignol
Le Mulet et le Cheval
La Vigne et l'Écolier
L'Enfant et le Ver luisant
Solon et Crésus
Le Lion et la Pie
Le bonhomme Richard

 

Fable I.
Le Cheval et le Tigre

Quand de la nuit s'étend le sombre voile,
L'Arabe, sous la même toile,
Dort avec ses enfants, sa femme, ses chevaux,
Ses serviteurs et ses troupeaux.
Bètes et gens couchent là pêle-mêle;
L'enfant crie et le mouton bêle,
Et le coursier s'étend près du maître endormi,
Dont il est moins l'esclave que l'ami.
Or, l'un de ces derniers, par une nuit fort sombre,
Veillait non loin du seuil; Morphée et ses pavots
Régnaient sur tout le reste. A la faveur de l'ombre,
Un tigre s'approcha; mais trouvant tout bien clos,
Du dehors au cheval il adressa ces mots:
»Ami, qui vous retient dans cette étroite enceinte,
Quand il dépend de votre volonté
De jouir du premier des biens, la liberté?
Quoi! toute noble ardeur en vous est-elle éteinte?
Le Ciel vous a-t-il fait pour ces honteux travaux
Dont vos cruels tyrans accablent les chevaux?
Les porter! les traîner! blanchir un frein d'écume,
Pour tracer des sillons, dont ils ont tout le fruit!
Tout dort autour de vous; venez, fuyons sans bruit;
Ou, qu'un juste courroux dans votre cœur s'allume,
Et, vous vengeant des maux que vous avez soufferts,
Écrasez vos tyrans sous le poids de vos fers.
Ce tigre radical, dans certaines gazettes
Prenait, comme on le voit, ses phrases toutes faites,
Et, sans se mettre en frais d'imagination,
Faisait à froid de l'exaltation.
»— Je ne vous suivrai pas, seigneur Tigre, et pour cause,«
Répondit le coursier; »cette tente est bien close,
Et je rends grâce aux dieux d'une captivité
Qui fait, si près de vous, toute ma sûreté.
A l'homme nous prêtons un secours nécessaire,
Et c'est par nos travaux qu'il féconde la terre;
Mais je reçois le prix du service rendu,
Et j'aime, en le servant, ce tyran prétendu.
Si pour lui, chaque jour, je retourne à l'ouvrage,
Ces peines, ces labeurs, mon maître les partage;
Il construit ces abris, où je suis à couvert
Et des feux du soleil et du vent du désert.
Que de peines pour moi chaque jour il se donne!
Le grain qui me nourrit, lui-même il le moissonne;
Il brave la chaleur pour amasser nos foins,
Et pourvoit, en un mot, à nos moindres besoins.
Le faible, en vos déserts, au fort sert de pâture;
Hélas! la liberté n'est pas dans la nature!
Diversement doués, grands, petits, faibles, forts,
Elle fuit devant nos efforts;
Car, sans l'égalité, ce n'est qu'une imposture.....«
Le rugissement d'un lion
Interrompit la conversation;
Pour éviter la mort, le tigre au loin s'élance.

Ainsi, dans notre belle France,
On vit jadis se dévorer entre eux
Tous ces monstres à face humaine
(Puissions-nous ne jamais revoir ces temps affreux!)
Et, lorsque la terreur régnait en souveraine,
Assouvissant sa fureur et sa haine,
De ses arrêts sanglants chacun était daté:
L'an premier de la liberté.

Fable II.
La Carpe et le Corbeau

La carpe, aux larges flancs, à travers l'onde claire,
Regardait voler le corbeau.
»Que je voudrais,« s'écria la commère,
»Vivre dans l'air, comme un oiseau!«
Maître corbeau répétait, au contraire:
»Que ne puis-je vivre dans l'eau!«
Une envieuse ardeur à la fois les excite,
Et leur désir, enfin, devient si fort
Que dans l'étang l'oiseau se précipite,
Et que, toujours sautant, par un dernier effort,
L'habitante des eaux s'élance sur la terre.
Le sort de tous les deux se devine aisément.

Il n'est jamais prudent de sortir de sa sphère,
Ni de quitter son élément.

Fable III.
L'Union douanière

Par députés, les divers animaux.
Qui peuplent l'air et la terre et les eaux,
Dans notre beau pays de France,
Avaient été convoqués. La séance
Avait pour but de discuter
Les bases d'un traité d'union douanière,
Que des peuples voisins proposaient d'adopter,
Voulant entre eux lever toute barrière.
Les personnes pourraient circuler librement,
Et les fruits du travail pourraient, également,
Désormais franchir la frontière.

Le cheval, le premier, prit la parole, et dit:
«— Illustres députés, ce n'est pas sans dépit
Que j'entends discuter un traité qui m'afflige.
L'étranger le propose, et ce mot me suffit,
Donc il y trouve son profit.
Mon patriotisme m'oblige
A rejeter dès lors ses dons pernicieux;
Et d'ailleurs, entre nous, mon intérêt l'exige.
Des chevaux étrangers viendraient, jusqu'en ces lieux,
Caracoler, offrir à tous les yeux:
L'Anglais, sa vigueur, sa vitesse;
Le superbe Andalous, ses formes, sa souplesse;
Le Russe, sa sobriété;
L'Arabe, son intelligence,
Sa belliqueuse ardeur, sa grâce, sa beauté!
Et moi, que gagnerais-je à cette concurrence?
Rien qu'un surcroît de peines, de travaux,
Pour lui ter avec mes rivaux.
A ce qu'ils foulent nos prairies
Et broutent nos herbes fleuries
Je m'opposerai jusqu'au bout;
Je suis Français, mon pays avant tout.«
(Murmure approbateur). Le chien prend la parole:
»— De l'orateur,« dit-il, »sur cette question,
Je partage l'opinion.
Ne souffrons pas qu'on nous immole
A l'Anglais, fin limier, ou dogue belliqueux;
Au terre-neuve généreux,
Que jusqu'au fond des eaux son dévoùment attire.
Ces qualités, que l'on admire,
Il faudrait les apprendre d'eux.
Le Ciel ne m'a point fait l'âme cosmopolite;
L'étranger, je le hais, et jamais ne l'imite,
Et, comme le cheval, je dis:
Je suis Français, avant tout mon pays.«
Les gros bonnets, les plus notables bêtes,
Vaches, taureaux, enfin les fortes têtes,
Se rangent à cet avis là.
Chacun veut garder ce qu'il a;
Nul n'entend partager, et l'on écoute à peine
D'un pauvre passereau l'humble pétition.
Il voulait l'introduction
Du mérinos espagnol, »dont la laine,
Qui nous sert,« disait-il, »à tapisser nos nids,
Est si douce pour nos petits.«
Un rat, des plus pelés, demande
Que le fromage de Hollande,
A l'avenir, puisse entrer librement.
C'est son principal aliment:
»Ayez,« dit-il, »messieurs, pitié du pauvre monde.«
Mais sa requête est mise de côté,
Et pour l'ordre du jour chacun vote à la ronde.
Les gros bonnets étaient tous électeurs,
Et la plupart législateurs.
Tous préféraient marcher à l'ancienne manière,
Rouler commodément dans une vieille ornière;
Le projet fut donc rejeté,
Et le consommateur ne fut pas écouté.

C'est ainsi, de nos jours, qu'un faux patriotisme
Trop souvent cache l'égoïsme,
Et sert de masque à la cupidité.
Je ne sais, quoi que l'on en dise,
Si notre siècle est en progrès,
Mais chacun est toujours pour ce qui favorise
Sa paresse et ses intérêts.

Fable IV.
Le jeune Cheval et l'Ours

On se souvient encor de la lutte mortelle
De l'aigle impérial avec le léopard;
Quadrupèdes, oiseaux, venus de toute part,
Divisés en deux camps, soutenaient leur querelle.
Un étalon, pur sang, qui, depuis peu de mois,
Avait quitté la prairie et sa mère,
A je ne sais plus quelle affaire,
Allait au feu pour la première fois.
Notre coursier, peu fait aux horreurs de la guerre,
Dans les premiers instants d'une chaude action,
Eprouvait quelque émotion,
Que sa voix trahissait, malgré son attitude.
Un ours, à ses côtés, vieux grognard, grand sabreur,
Qui, dans tous les pays, suivant son empereur,
Avec lui des combats avait pris l'habitude,
Relève sa moustache, et d'un accent moqueur:
»Mon beau voisin,« dit-il, »avez-vous peur?
— Et oui, morbleu, j'ai peur,« dit l'autre tout de suite,
»Et, si vous ressentiez la moitié seulement
De ma frayeur, en ce moment,
Depuis longtemps vous auriez pris la fuite.«

Je comprends ainsi la valeur.
Ce danger m'intimide, et pourtant je l'affronte;
L'instinct s'émeut, mais l'àme le surmonte;
J'aime la vie et je crains la douleur,
Mais je crains beaucoup plus la honte.
Le vrai courage est basé sur l'honneur.

Fable V.
Le Roi de Pologne

C'était grande réception
A la cour d'Adislas, le jour anniversaire
De son heureuse élection.
Près du monarque était assis son père;
Devant eux défilaient et la ville et la cour.
Un vieillard passait à son tour,
Quand le père du roi, pris d'un accès de rire,
L'arrête, et par la main le tient, en disant: »Sire,
Vous voyez un savant; je réclame pour lui
De vos bontés un emploi, c'est celui
D'astrologue de la couronne;
Pour grand sorcier je vous le donne.
A cet homme autrefois, mon fils, je vous portai,
A l'instant même où vous veniez de naître,
Et sur vous je le consultai,
Le conjurant de me faire connaître
Quel avenir vous était destiné.
Mon devin fit alors beaucoup de jongleries,
De grimaces, de momeries,
Et dit, en soupirant:« »Hélas! le nouveau-né
Sous un astre fâcheux est venu dans ce monde,
Et dans trente-deux ans, à dater d'aujourd'hui,
Nul mortel ne sera plus malheureux que lui.«
»Or, de sa science profonde
Nous avons la preuve, ô mon fils;
Vous voilà sur le trône assis,
La gloire, le bonheur, y sont votre partage,
Et de trente-deux ans vous avez passé l'âge.«
Chacun sourit, et dit un mot railleur
Sur le prophète de malheur.
»— Mon père,« dit le roi, »je dois être équitable;
Cessez ce badinage, il est hors de saison,
Car, j'en conviens, ce vieillard eut raison,
Et sa prédiction n'est que trop véritable!
Au plus humble de mes sujets
Dix fois par jour je porte envie.
Il peut, du moins, former quelques projets,
Disposer de son temps, de son cœur, de sa vie.
Mais moi, mon père, esclave couronné,
Par l'étiquette condamné
A n'avoir de plaisirs que ceux que l'on m'impose;
La politique ordonne mon hymen,
Et, m'opprimant en toute chose,
Sans consulter mon cœur, dispose de ma main.
A chaque place que je donne
Je fais cent mécontents, sans m'attacher personne.
Je trouve dans les grands, en ma présence admis,
Un monde de flatteurs, et je n'ai point d'amis.
Rongé d'ennui, sans le laisser paraître,
Privé de tout repos, de toute liberté,
Il faut être roi pour connaître
A quel énorme prix le trône est acheté,
Et, quoi qu'en dise le vulgaire,
Combien le bonheur est, mon père,
Eloigné de la royauté!«

Ainsi parlait de sa rude besogne
Ce pauvre roi de la Pologne.
Pourtant de députés, de constitution,
Il était, de son temps, à peine question.
C'est à présent que le trône, j'espère,
Lui paraîtrait une galère.
En conscience, il serait temps, je croi,
De changer le proverbe: Être heureux comme un roi.

Fable VI.
Le Collier

Depuis qu'à Favori, beau petit chien bichon,
Véritable chien de manchon,
Demoiselle Babet, sa sensible maîtresse,
Avait, en signe de tendresse,
Donné certain collier, orné de deux grelots,
Minet ne dormait plus, pour lui plus de repos,
Il maigrissait, il desséchait d'envie.
A la fin, craignant pour sa vie,
Sa maîtresse se rend à son pressant désir,
Et, de sa douce main, autour du cou lui passe
Deux beaux grelots d'argent, qu'un ruban vert enlace.
Non, l'on ne meurt pas de plaisir,
Minet, en serait mort; il va, vient et s'admire;
Fait sonner ses grelots; ce fut un vrai délire,
Huit jours durant. Or, peu de temps après,
Chez Babet d'un départ on faisait les apprêts.
On était au printemps; la belle à la campagne
Va passer quinze jours; Favori l'accompagne,
Et le chat est chargé de garder la maison,
Comme il arrivait d'ordinaire.
Pourvoir à ses repas n'était pas nécessaire,
Et cela par cette raison,
Qu'au grenier les souris se trouvaient à foison,
Et que maître Minet y faisait bonne chère.
Mais, grâce à son collier, cette fois-ci, vraiment,
Pour notre prisonnier, ce fut une autre affaire.
Mesdames les souris, au moindre tintement
Du malencontreux instrument,
De leurs trous reprenaient la route,
Et notre chat jeûnait. Par la faim tourmenté,
Combien, en ce moment, il maudissait, sans doute,
Son collier, vain hochet, vivement souhaité,
Et si chèrement acheté!
Enfin, après une longue souffrance,
Par un affreux trépas Minet fut emporté.

Combien de gens, surtout en France,
Meurent de faim par vanité!

Fable VII.
Le Coq et la Dame
Fable Anecdotique

A sa maison des champs, la sensible Lucrèce,
Pour charmer ses loisirs élevait des poulets.
Parmi cette volaille, un jeune coq anglais
Était l'heureux objet de toute sa tendresse.
Pour être vrai, je conviendrai d'abord
Que cet aimable coq méritait bien son sort.
Il ne se vit jamais un si joli plumage,
Un maintien aussi fier, un plus brillant ramage.
Une vainc beauté n'était pas seulement
De notre oiseau favori le partage;
Il joignait à cet avantage
Les qualités du cœur, l'esprit, le sentiment.
Aimant tendrement sa maîtresse,
Pour lui plaire il chantait sans cesse,
Du matin jusqu'au soir, du soir au lendemain.
Dix fois par jour, avec adresse,
Il venait manger dans sa main.
Sitôt qu'elle ouvrait sa fenêtre,
Lucrèce le voyant paraître,
Lui prodiguait tous les noms les plus doux;
C'était à rendre amants, époux,
Jaloux.
Mais il n'est ici-bas point de bonheur durable!
Muse, dis-moi, quel cruel accident,
En mettant au tombeau cet oiseau si charmant,
Vint transformer subitement
De si riants destins en un sort déplorable?
Telle autrefois Vénus, par la mort d'Adonis,
Vit changer en sanglots les plaisirs et les ris.
Par une nuit d'hiver, trop longue pour son zèle,
Sans attendre le jour, notre coq, cette fois,
Vers la maison volait à tire-d'aile,
De Lucrèce il croyait reconnaître la voix.
Un fossé l'en sépare, et l'eau, dont la surface
Est couverte déjà d'une naissante glace,
Porte à peine une neige éclatante en blancheur.
L'oiseau, victime, hélas! d'une fatale erreur,
Crut atteindre le sol en s'abattant sur l'onde:
Il y trouva la mort. O comble de douleur!
Lucrèce, à son réveil, connaîtra son malheur.
Que vous dirai-je enfin de sa peine profonde!
»Cher coq!« s'écriait-elle, en pleurant son trépas,
»Viens, cher ami, viens dans les bras
De ta maîtresse inconsolable.«
Elle le prend, le presse... »O bon Dieu! qu'il est gras!«
Dit-elle, »ce doit être un manger délectable.
»Je veux, Fanchon, je veux que demain, au plus lard,
Bien rôti, bien couvert d'une barde de lard,
Pour mon souper, on le serve à ma table.«
Ainsi fut fait. Naguère elle vantait la voix,
La beauté, les talents de cet oiseau célèbre;
»Qu'il est gras, tendre et blanc!« dit-elle, celte fois;
Ce fut son oraison funèbre.

Du genre humain la plus belle moitié
N'aurait-elle donc point d'attachement durable!
Compter sur son amour, ou sur son amitié,
Serait-ce bâtir sur le sable?

Fable VIII.
Le Ver luisant et la Rose

Par un beau soir,
Tranquille et noir,
Près d'une rose,
A peine éclose,
Un ver luisant,
Trop suffisant,
Se raillait d'elle:
»Qu'est à présent,
Ma toute belle,
Cette beauté?
En vérité,
Nul ne s'en doute,
On n'y voit goutte.
Ton vermillon
Pâlit, ma fille;
Le papillon,
Pour qui je brille
De tant d'appas!
Ne te voit pas.«
Alors la rose
Répond ainsi:
»De tout ceci
La nuit est cause;
Avec le jour,
J'aurai mon tour.
Quand vient l'aurore
Et qu'il fait clair,
Le météore
N'est plus qu'un ver;
Son feu s'efface;
Le jour naîtra,
Qui remettra
Tout à sa place.«

Fable IX.
La Poule et l'Hirondelle

Un jour, au pied d'une haute maison,
La poule critiquait le nid de l'hirondelle:
Avez-vous perdu la raison,
Ma chère enfant,« lui disait-elle,
De nous construire un nid, gâché comme cela?
Que nous avez-vous bâti là?
Je n'aperçois d'ici qu'une noire muraille,
Que ne couvre ni foin, ni paille;
Point de mousse, point de duvet.
D'honneur, cela me fait l'effet
D'un logis très-peu confortable.«
»— Il n'en est pas de préférable,«
Dit l'hirondelle, »en vérité,
Ma demeure, en dehors, par sa solidité,
Brave le vent et la pluie et l'orage.
Eh! que ne pouvez-vous d'en bas apercevoir
La mousse et le duvet, dont le doux assemblage.
La tapisse en dedans! ma chère, je le gage,
Si d'en haut vous pouviez la voir,
Vous changeriez bien de langage.«

Damon, fougueux tribun, déclame incessamment
Contre les grands, le prince et le gouvernement.
Enfin, par une heureuse guerre,
Damon parvient au ministère,
Et sa façon de voir change très-promptement.
A peine au pouvoir il arrive
Qu'il honore les grands, le prince, et, comme il faul,
Contre la canaille invective.
Voir les objets d'en bas, ou bien d'en haut,
Change beaucoup la perspective.

Fable X.
Les deux Sapajous

Dans les montagnes du Pérou
(Un voyageur très-véridique
M'a raconté le fait), naguère un sapajou,
Vieux, perclus et paralytique,
Se tenait tristement courbé
Au pied d'un arbre magnifique,
Vivant de quelque fruit tombé.
Un autre sapajou, dans toute sa jeunesse,
Sur cet arbre grimpé, choisissait, d'un oeil sûr,
Parmi les fruits nombreux le plus beau, le plus mûr.
»Cet arbre est de mauvaise espèce,«
Disait, en grommelant, le mangeur rabougri;
»Tout ce qu'il porte est véreux et pourri.«
Le convive d'en haut lui répondit: »Confrère,
Si vous étiez ici, vous diriez le contraire,
Et vous jugez notre arbre avec sévérité.
Est-il donc besoin de vous dire
Que le fruit qui tombe est le pire;
Que le meilleur aux vents a résisté?
Ah! je plains une humeur, dont vos maux sont la cause;
On est bien malheureux lorsque l'on est porté
A voir ici-bas toute chose,
Ainsi que vous, par son mauvais côté.«

Fable XI.
La Tortue et l'Écureuil

L'homme a besoin d'aimer; un vieux célibataire,
A défaut d'un plus doux lien,
Se prend de passion pour son chat, pour son chien
Malheur à qui vit solitaire!

Un ci-devant jeune homme était donc dans ce cas,
Et le chat et le chien ne lui suffisant pas,
Il mit dans son jardin, pour récréer sa vue,
Un écureuil avec une tortue.
Dans sa cylindrique prison
L'un sans cesse tourne et remue,
Et l'autre lentement promène sa maison.
L'écureuil insultait à la grave personne,
Disant: »Vous courez trop; quels efforts imprudents!
Ne prenez pas le mors aux dents.
Combien, dites-le-moi, ma bonne,
Faites-vous de pas en huit jours!«
»— J'avance plus que vous, toujours,
Sans m'agiter autant,« dit la dame choquée,
Et par l'écureuil provoquée.
»Vous remuez beaucoup; mais, tournant sur vos pas,
Vous marchez et n'avancez pas.«

Du prétendu progrès n'est-ce pas là l'emblème?
Notre siècle, je suis enclin à le penser,
Se donne un mouvement extrême,
Et pourrait bien aussi marcher sans avancer.

Fable XII.
L'Aigle et le Poulet
A mon ami, le Comte Arthur de L***.

Pour sa royale couvée
Espérant un sort heureux,
Sur une roche élevée
L'aigle avait pondu deux œufs.
Le noble oiseau ne fut guère
Par Jupiter protégé,
L'un des oeufs tomba de l'aire,
Et l'autre au nid fut changé.
En l'absence de la mère
Un jeune pâtre, un vacher,
Parvient à le dénicher,
Et le maître espiègle place
Un œuf de poule à la place;
Affrontant, le jeune fou,
Maint danger, maint précipice
Qui peut lui rompre le cou,
Pour faire cette malice.
L'aigle succède au vaurien
Et ne s'aperçoit de rien;
Bref, au bout d'une quinzaine
Notre poulet vient à bien.
Quand il eut un mois à peine,
Le père disait tout bas:
»Quelle chose singulière!
Mon fils ne ressemble pas
A moi, non plus qu'à sa mère;
Il est petit, faible et laid.«
Mais il est dans la nature
D'aimer sa progéniture,
Et le bon père ajoutait:
»De sa race le courage
Du moins sera son partage,
Car bon sang ne peut mentir.«
Sa tendre enfance écoulée:
»Jeune aiglon, prends ta volée,«
Dit le père, »il faut partir.«
Mais c'est en vain qu'il ordonne,
Le poulet tremble et frissonne.
»Digne oiseau de Jupiter,
Mon fils, lance-toi dans l'air;
A différer qui t'oblige?«
»— Ah! mon père, je le sens,
La peur a glacé mes sens,
Et me donne le vertige.«
»— Dieux!« dit le père irrité,
»Ta forme ignoble et petite,
Ton plumage hétéroclite,
Rien ne m'avait rebuté;
Mais quoi! de la lâcheté!
»Le fils de l'aigle, te dis-je,
Ne peut avoir ce défaut;
Non, non, plutôt, s'il le faut,
Meurs, mon fils: noblesse oblige.«

Envoi

Arthur, brillant rejeton
D'une illustre et noble tige,
Soutiens l'honneur de ton nom;
Tu le dois: noblesse oblige.

Fable XIII.
Le Crabe, le Homard et l'Huître

Le crabe disait au homard:
»Mon frère, qu'avez-vous? quelle mélancolie
Empoisonne ainsi votre vie?
Que ne m'imitez- vous? toujours dispos, gaillard,
Je n'ai de chagrin que le vôtre.
Une étroite amitié nous unit l'un à l'autre;
Au nom des Dieux, confiez-moi vos maux.«
»— Forcé,« dit le homard, »par l'injuste nature,
D'aller tout au rebours des autres animaux,
Ne comprenez-vous pas le tourment que j'endure!
Chacun se moque, en me voyant marcher,
Et pour avancer je recule;
Ah! cette allure ridicule
Fait mon malheur, je ne le puis cacher.«
»— Il faut,« reprit le crabe; »avoir du temps de reste,
Ici je vous en fais l'aveu,
Pour se désoler de si peu.
Aller à reculons, quand d'ailleurs on est leste,
Qu'y voyez-vous de si funeste?
Eh! moi-même, à la vérité,
Je vais bien un peu de côté;
Croyez-vous que je m'en désole
Et que je perde ma gaîté
Pour une cause aussi frivole?
Pas si fou, grâce au Ciel. Comme un autre animal,
J'arrive au but, voilà le principal.
Chaque allure, d'ailleurs, a sa grâce, je pense;
»La Valière boitait.« (Singulier argument!
Nos deux amis, apparemment,
Avaient lu l'histoire de France.)
»Vous marchez mal, à votre goût;
L'huître ne marche pas du tout;
Considérez cette pauvre voisine,
Clouée à ce rocher: elle est, je m'imagine,
Bien plus en droit de se plaindre que vous.«
»—Moi me plaindre! et de quoi? tous deux vous êtes fous,«
Repart l'huître, »cherchez sur la terre et dans l'onde
Personne plus heureuse au monde.
Le premier bien, c'est la sécurité;
Et que sert aux poissons leur grande agilité?
Aux oiseaux que servent leurs ailes?
Leur ennemi les joint avec facilité.
Vous-même, notre ami, qui marchez de côté,
Vous pouvez du crabier nous dire des nouvelles.
Tous aussi craignez l'ouragan,
Qui contre les rochers peut vous briser la tête.
Pour moi, dès que j'entends s'élever la tempête,
Ou que je vois sur l'Océan
Quelqu'ennemi, que vers moi le flot porte,
Aussitôt je ferme ma porte
Et tranquillement je m'endors.
A mon réveil, poussant le nez dehors,
Si l'ennemi s'éloigne et que le beau temps brille,
Alors je rouvre ma coquille
Et m'étale au soleil, tant qu'à l'air il fait beau.
Notez bien, »ajouta la dame,
Que peu je me tourmente et que chez moi la lame,
Comme l'on dit, n'use pas le fourreau.
Que voulez-vous de plus? je vis ainsi sans peine
Et contente comme une reine.«

J'aurais, dans cette question,
Donné raison à la commère;
Car le bonheur dépend de la position
Beaucoup moins que du caractère.

Fable XIV.
Le Roitelet et le Rossignol

Au milieu d'un sombre bosquet,
A Philomèle un roitelet
L'autre jour tenait ce langage:
»Chère voisine, ce bocage
Ne retentit plus de vos chants;
Nous n'entendons plus, quel dommage!
Ces airs si vifs et si touchants,
Qui pour nous avaient tant de charme!
Votre silence nous alarme;
Quelque rhume ou quelque malheur
Aurait-il votre voix éteinte?«
»— Nul accident, nulle douleur
Ne m'a fait sentir son atteinte,«
Dit Philomèle, »si ma voix
Retentit moins depuis deux mois,
C'est qu'alors, libre et sans contrainte,
Je pouvais la nuit et le jour
Chanter le plaisir et l'amour.
De l'hymen je suis tributaire,
Mille soins viennent m'agiter,
Je songe à mes fils, à leur père;
Lorsque l'on est épouse et mère
On n'a plus le temps de chanter.«

Fable XV.
Le Mulet et le Cheval

L'entêtement et l'obstination
De messieurs les mulets sont, dit-on, le partage.
L'un d'eux, fort jeune encor, pour son instruction,
Faisait en Espagne un voyage:
»Je vais,« se disait-il, »trouver en ce pays,
Comme partout ailleurs, force donneurs d'avis;
Mais ils perdront leur temps, car je ne suis pas bête,
Et je n'en ferai qu'à ma tête.«
Le voyageur, alors, suivait un frais sentier,
Trottant ou galopant, selon sa fantaisie;
Là, par hasard, paissait un vieux coursier,
Noble enfant de l'Andalousie:
»Croyez-moi, mon cher fils, retournez sur vos pas,«
Lui dit-il, Ȏcoutez le conseil salutaire
»D'un vieil ami de votre père.
Vous voyez bien ce défilé là-bas,
Des légions de loups l'ont choisi pour repaire;
Si vous y pénétrez, vous n'en sortirez pas.«
»— Vieillard, je suis fort peu crédule,«
Répondit le mulet, »et j'aime le danger.
»Croyez-vous que des loups la crainte ridicule
Me fasse fuir? jamais je ne recule;
Moi, pour des loups me déranger!
La vieillesse, d'ailleurs, est timide et craintive,
Elle s'alarme à tort. Adieu, quoi qu'il arrive,
A changer de chemin rien ne peut m'engager.«
L'imprudent, en effet, malgré cet avis sage,
Du défilé, bientôt, eut franchi le passage;
Mais il n'en sortit pas. Le cheval andalous
L'avait bien dit: il fut dévoré par les loups.
Profitons des conseils que l'amitié nous donne.
Écouter tout le monde est, j'en tombe d'accord,
Un grand défaut; mais n'écouter personne
Est bien plus dangereux encor.

Fable XVI.
La Vigne et l'Écolier

»Qui donc a causé tes douleurs?
Quel méchant, belle vigne, a fait couler tes pleurs?
Une cruelle main te mutile et t'outrage.
Hier encor j'admirais tes rameaux,
Je les voyais nombreux et beaux,
Parés de leur naissant feuillage,
Qui serpentaient, couraient, fuyaient sur le treillage.
Je connais le chagrin et j'y sais compatir;
Tu le vois, comme toi je pleure,
Et dans ce pavillon, d'où je ne puis sortir,
Je suis enfermé pour une heure.
Je n'ai pas su mon rudiment,
C'est de mon précepteur une rigueur nouvelle;
De ma vie il fait le tourment
Et c'est de mon manque de zèle,
Dit-il, le juste châtiment.
Tu le vois bien, le malheur nous rassemble,
Et nous pouvons pleurer, gémir ensemble.«
»— Tu dis vrai, cher enfant, nos destins sont pareils;
Mais je ne me plains pas d'un traitement sévère,
La taille m'était nécessaire,
Je lui devrai, plus tard, des fruits nombreux, vermeils.
Ainsi, d'un précepteur la rigueur salutaire
Enrichit ton esprit, éclaire ta raison.
Elle obtiendra de toi ce qu'on en doit attendre;
Enfin, grâce à ces pleurs qu'elle te fait répandre,
Tu porteras aussi des fruits dans la saison.«

Fable XVII.
L'Enfant et le Ver luisant

»Par cette obscurité, quel est donc, ô mon père,
Sur l'herbe cet objet qui luit et nous éclaire?
Est-ce un diamant? un rubis?
Un feu follet?« — »Va, mon cher fils,
Hâte-toi d'éclaircir la chose;
Heureux qui de l'effet peut connaître la cause!«
»— Dans ma main je tiens ce trésor,
Voyez, mon père, il brille encor;
Oh ciel! ce n'est qu'un ver immonde!«
»— Trop souvent, ô mon fils, c'est ainsi dans le monde:
Tout ce qui reluit n'est pas or.«

Fable XVIII.
Solon et Crésus

Aucun mortel, pendant sa vie,
N'est à l'abri des coups du sort.
Tel nous fera pitié, qui nous a fait envie,
Et nul ne se peut dire heureux avant sa mort.

Enorgueilli de sa puissance,
De son bonheur et de son opulence,
Le roi Crésus reçut, un jour,
Le sage Solon à sa cour
Et voulut l'éblouir de sa magnificence.
Par ordre du monarque, on étale à ses yeux
Tous les joyaux de prix, les tissus précieux
Des bronzes, des tableaux d'une valeur immense
D'un œil indifférent, Solon semble les voir
Et contemple, sans s'émouvoir,
Cette prospérité, jusqu'alors sans seconde,
Et ces trésors, uniques dans le monde.
Enfin le roi, n'y tenant plus:
Eh bien, Solon,« dit-il, presqu'en colère,
»As-tu jamais connu sur cette terre
Quelqu'un plus heureux que Crésus?«
»— Plus heureux?« dit le sage, »oui, j'ai connu Tellus.
Jouissant d'une honnête aisance,
C'était d'Athène un simple citoyen;
Il vécut en homme de bien
Et termina son heureuse existence
Par un nouveau bienfait du sort:
Au champ d'honneur Tellus trouva la mort,
En combattant pour sa patrie;
Laissant deux fils, estimés comme lui,
Comme lui du pays et l'honneur et l'appui.«
»— Quoi! «reprit le roi de Lydie,
»Ne me comptes-tu pas au nombre des heureux?«
»— Excusez, roi puissant, un langage sincère;
Nous autres Grecs, modérés dans nos voeux,
Avons une sagesse et simple et populaire
Et prisons peu l'éclat, qui séduit le vulgaire.
Jamais troublés des biens qui nous sont dévolus,
Nous ne pouvons louer dans les autres, non plus,
Une prospérité trompeuse et passagère.
Sachant que l'avenir, plein d'accidents divers,
Pour l'homme, trop souvent, est fécond en revers,
Nous nommons seul heureux celui dont la fortune,
Le mettant à l'abri des caprices du sort,
Couronna d'heureux jours par une heureuse mort.«
Il termine à ces mots sa visite importune.

Le roi de ce discours ne sentit pas le prix,
Et depuis, pour Solon, il n'eut que du mépris.
Mais, plus tard, quand pour lui sonna l'heure fatale,
Où, défait à Thymbrée, il vit sa capitale
Au pouvoir du vainqueur; lorsque, sur le bûcher,
Sous les yeux de Cyrus il se vit attacher.
Et que tout le trahit, la fortune et la gloire,
Le philosophe alors lui revint en mémoire.
Dans ce moment suprême, on dit que de Solon,
Avec force, trois fois il prononça le nom.
De Cyrus, qui l'entend, la surprise est extrême:
»Quel est donc ce Solon,« dit-il à l'instant même,
»Ce mortel, ou ce Dieu, dont le nom seulement
Est invoqué par toi, dans un pareil moment?«
»— C'était,« reprit Crésus, »un sage de la Grèce,
Que je fis venir à ma cour,
Non pour prendre de lui des leçons de sagesse,
Mais pour que, témoin, à son tour,
De ma gloire et de ma richesse,
Il redît en tous lieux ce bonheur inouï,
Ce luxe, cet éclat, dont j'étais ébloui.
Voulant donc l'étonner de ma magnificence,
Aux yeux du sage Grec j'étalai ma puissance;
Mais lui, vit seulement de ma prospérité
Le peu de fondement et la fragilité,
Et, prévoyant dès lors le malheur qui m'opprime:
— Ne vous endormez pas, dit-il, sur un abîme,
Et sur vos derniers ans, prince, veillez surtout;
Nul n'est vraiment heureux s'il ne l'est jusqu'au bout.«
»Ah! que n'ai-je écouté cet avis salutaire!«

Ce récit de Crésus touche, émeut son vainqueur.
Il révoque à l'instant un ordre trop sévère,
Et du roi son captif respecte le malheur.
Quelques mots de Solon eurent ainsi l'honneur
De sauver à deux rois ou la vie, ou la gloire:
Sans lui, Crésus périssait en ce jour;
Et, sans lui, Cyrus, à son tour,
Par cette mort, flétrissait sa victoire.

Fable XIX.
Le Lion et la Pie

Un fier lion (celui dont parle La Fontaine),
Allant chasser dans la forêt prochaine,
Passait, accompagné de l'âne, dont la voix
Devait épouvanter les habitants des bois.
Sur un arbre, Margot la pie,
D'un ton impertinent, s'écrie:
»Qui vois-je à vos côtés? c'est maître Aliboron!
Pour un si grand seigneur, l'étrange compagnon!
Se peut-il qu'à ce point Votre Altesse s'oublie
Ah! je vois bien que des grands la fierté
S'humanise parfois, et qu'il est très-facile
D'être reçu dans leur société,
Du moment qu'on leur est utile.«

Fable XX.
Le bonhomme Richard

Je lis souvent le bonhomme Richard,
Et fais grand cas des conseils qu'il nous donne;
Pour moi, je vois dans ce vieillard
La philosophie en personne.
»Mes bons amis,« dit-il, »évitez avec soin
La plus petite négligence;
Elle peut vous mener plus loin
Et causer, bien souvent, plus de mal qu'on ne pense.«
Un cavalier visitait son cheval:
A l'un des fers de l'animal,
Déjà sellé, tout prêt à se mettre en voyage,
Notre inspecteur avise un trou
Sans clou.
»Bah!« se dit-il, »partons, sans tarder davantage;
Ce clou là ne servait à rien,
Et les six autres tiendront bien;
Ma confiance en eux ne sera pas trahie:
Faute d'un moine, l'abbaye,
Comme l'on dit, ne manque pas.«
Et notre homme met, de ce pas,
Son cheval au galop, l'affaire étant pressée.
Après une heure ainsi passée,
Et déjà loin de tout logis,
Un bruit fâcheux, un cliquetis
De fer sur le pavé tout à coup le réveille.
Ce bruit, pendant un temps, résonne à son oreille,
Puisse il cesse, lorsque le fer
Finalement se détache et se perd.
La bête déferrée, à chaque moment, butte,
Trébuche, à chaque pas, s'abat, et, dans la chute,
Une jambe, sous l'animal,
Dans l'étrier demeure embarrassée,
Et notre voyageur a la cuisse cassée.
L'infortuné! quel accident fatal!
Le bonhomme Richard assure
Que, peu de temps après, il fallut l'amputer,
Et qu'il mourut de sa blessure.
De la fin du récit je me plais à douter;
Grands dieux! avez-vous pu permettre
Qu'il résultât un si grand mal
De ce qu'un voyageur négligea de remettre
Un seul clou, qui manquait au fer de son cheval!