Livre II.
 

Charles Louis Mollevaut

geb. 25-09-1776
gest. 13-11-1844


Source:

Charles Louis Mollevaut

Cent Fables/De quatre Vers chacune
Paris 1821



Diese Fabeln wurden von Castelli
ins Deutsche übertragen.
 

DÉDICACE

A MADAME VIEN

Qui connaît votre esprit et votre cœur aimable,
Où règne, sans fadeur, la sensibilité,
Dit: «Il n'a point fait une fable
En dédiant sa lyre à l'Amabilité.»

Livre I.


Fable I.
Le Ver luisant

Un Ver luisant errait sous nos vertes charmilles;
La flèche d'un Serpent lui déchire le sein:
»Que t'ai-je fait, dit-il, misérable assassin?«—
                        Tu brilles.

Fable II.
La Rose et le Zéphyr

Un matin, sur l'herbe fleurie,
Une Rose étalait un coloris charmant:
Zéphyr passe, l'effleure, et la voilà flétrie.
Un rien flétrit ainsi la fleur du sentiment.

Fable III.
Le Desir et la Crainte

Le vif Désir naquit enfant impétueux,
Et sans réserve et sans contrainte:
Jupin voulut régler son vol tumultueux,
Et dit: »Que le Désir voyage avec la Crainte.«

Fable IV.
L'Ivrogne

Us buveur, chargé de son vin,
Gravissait une cote, avec fatigue extrême,
Jurait, frappait du pied, et grondait le chemin:
Mon drôle aurait mieux fait de se gronder lui-même.

Fable V.
L'Autel et la Justice

Un Autel généreux recelait un coupable:
»Quoi, crioit la Justice, eh quoi! cet homme ici!«
L'Autel répond à la dame implacable:
»Je suis sacré, le malheur l'est aussi.«

Fable VI.
Plainte d'une Balle de joueur

Mon malheur n'est que trop certain:
On me pousse et repousse, haut et bas on m'envoie,
Et la Baquette en rit de joie.«
Pauvres solliciteurs, voilà votre destin.

Fable VII.
Le Voyageur et le Voleur

Us Voyageur chantait, un Voleur suit ses pas:
»De l'attaquer, dit-il, ne prenons point la peine,
S'il portait de l'argent, il ne chanterait pas.«
       Tu crois, maraud, sa bourse est pleine.

Fable VIII.
La Dot

Damis semblait brûler d'une invincible flamme;
»Tant aimer! pauvre idiot!
Dis-moi quel trait vainqueur a donc percé ton ame?«
                — La dot.

Fable IX.
Le Singe

Un Singe, sans cervelle, en habit de docteur,
Se montre, et son air grave, affublé de hauteur,
Impose à la foule surprise.
Parfois la gravité fait passer la sottise.

Fable X.
L'Amour et l'Amitié

       Lise à l'Amour fermait sa porte;
       Le Dieu mutin pleure et s'emporte;
Mais l'Amitié lui dit: »Tiens, prends mon vêtement,
Frappe, l'on t'ouvrira, mais entre doucement.«

Fable XI.
Le Temps

Une Rose vécut une entière journée:
»Quel prodige, ma sœur, vous vivez bien long-temps!«
              Lui dit Flore étonnée.
       Ainsi nous mesurons le temps.

Fable XII.
Le Renard

Un Renard prend l'allure et la peau d'un mouton,
Et, sous un air niais, parmi la sotte espèce
Se glisse, et satisfait son appétit glouton.
       Adroit, qui cache son adresse.

Fable XIII.
L'Épingle

Une fidèle Épingle, en son emploi flatteur,
Maintenait et jupon, et ruban et cornette;
       L'Épingle se plie, on la jette.
On te rejette ainsi, pauvre vieux serviteur!

Fable XIV.
Le Papillon et la Chenille

Un léger papillon, un des plus étourneaux,
Disait: »Sale Chenille, ah! qu'un Dieu t'extermine!«
Son frère, redressant l'orgueil de ses anneaux:
»C'est trop vite oublier ta première origine.

Fable XV.
Le Lion et le Loup

Un Loup, voleur de nuit que le carnage enivre,
Jetait sur un Chevreuil ses transports écumants;
        Un lion passe et le délivre.
Les lâches sont cruels, les braves sont cléments.

Fable XVI.
Les Fruits

Sur une table, à plusieurs mets
Succédèrent vingt fruits de riches pépinières,
Qu'au seul parfum nomma le plus fin des gourmets.
L'esprit fin nous devine à nos seules manières.

Fable XVII.
Le Panant et l'Abeille

»Ne vole point sur la fleur vénéneuse,
Fille du ciel, l'honneur de la saison.«
—»Va, ne crains rien ma course matineuse
Prend le nectar, et laisse le poison.«

Fable XVIII.
Le Chien et la Perdrix

Basset, pour surprendre une vive Perdrix,
Rampait; elle se rit de la ruse frivole,
S'élance dans les airs, et lui dit à grands cris:
»Traître! pour arriver tu rampes; moi, je vole.«

Fable XIX.
Le Bossu

On riait aux éclats du bossu Dandinière;
Lui, cherchait vainement pourquoi ces ris si hauts:
      Il portait sa bosse derrière:
      Ainsi nous portons nos défauts.

Fable XX.
Les deux Médecins

Un Docteur brusquement pansait une blessure;
        Un plus adroit Docteur
Y posait une main et douce, et lente, et sûre.
Il faut ainsi panser les blessures du cœur.

Fable XXI.
La Veuve

Lise pleure un mari; sa sœur dit: »J'ai pour vous
Le plus frais jouvenceau que la France renomme.«
La Veuve fond en pleurs, et se met en courroux;
Mais un jour elle dit: »Où donc est le jeune homme?«

Fable XXII.
Le Trictrac

»Pourquoi bruyant Trictrac, qui m'étourdis si fort,
D'adresse et de hasard ce bizarre assemblage!«
Le tapageur répond: »C'est là le jeu du sage:
Son savoir corrige le sort.«

Fable XXIII.
L'Encre, le Papier, et la Presse

L'encre dit au Papier: »Je vous sers et vous aime.«
Le Papier lui répond: »Mais je vous sers de même.«
La Presse alors s'écrie: »Eh! qu'êtes-vous sans moi?«
Nous sommes dépendants, c'est la commune loi.

Fable XXIV.
Le Mérite

La Mort voulut changer son ministre assassin,
Soudain s'offre la Goutte, et la Fièvre, et la Peste.
»Je ne vois, dit la Mort, s'offrir nul médecin:
          Le mérite est modeste.«

Fable XXV.
L'Art de régner

Rois, voulez-vous régner sur des peuples fidèles,
     Trouver des cœurs épanouis,
     Et servir de parfaits modèles?
La fable est sans précepte: imitez donc Louis.